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Photo du rédacteurInès Verly

MAROC : POURQUOI RÉFORMER LA MOUDAWANA ?

Vingt ans après la première réforme de la Moudawana, la possibilité d’une société marocaine plus égalitaire n’a jamais été aussi proche. Après des mois de préparation, la Moudawana est en pleine refonte. Retour sur le parcours tumultueux de ce code de la famille et sur sa place dans les revendications féministes au Maroc.


© Imane Essaidi

La Moudawana, code de la famille marocain, a été proposée en 1958 sous Mohammed V (grand-père du roi actuel). Ce code régit la vie familiale en comprenant des législations sur le mariage civil, la polygamie, la question du mariage des mineurs, la fidélité ou encore la  répudiation. Lors de son élaboration, la notion de modernité occupait une place centrale, le texte arrivant au lendemain de l’indépendance du Maroc. Suite aux changements apportés au code, il ne ressemble plus à sa version initiale. La modification la plus importante de la Moudawana est celle réalisée sous l’impulsion du Parlement Européen en 2004, durant le régime de Mohammed VI, le monarque actuel. Cette première révision, réalisée “en faveur des droits des femmes”, a été considérée comme une importante victoire pour la cause féministe marocaine.



MOHAMMED VI, UN ROI QUI VOUS VEUT DU BIEN


Au pouvoir depuis 1999, Mohammed VI est souvent présenté comme un roi progressiste. Déjà en 2004, il avait lancé la première réforme de la Moudawana. Ce fut une mesure très forte pour le nouveau monarque qui a renforcé sa volonté de se démarquer du règne de son père. Son discours du Trône de 2022 accordait une grande place aux femmes, rappelant leur importance pour la société marocaine et ouvrant la porte vers une possible modification du Code. Le “Roi de la modernité” a rappelé que sans égalité, la stabilité pour le régime est impossible. Un an plus tard, en septembre 2023, il lance la création d’un comité chargé de proposer une nouvelle version de la Moudawana pour le 26 mars 2024.


Le projet de Mohammed VI est clair depuis le début de son régne :  transformer le Maroc en gardant l’identité culturelle du pays. Un roi progressiste qui a pourtant du mal à convaincre les féministes marocaines pour lesquelles les changements prennent trop de temps.



Pour bien comprendre les enjeux de cette réforme et l’espoir placé dans celle-ci par les femmes marocaines, il faut avoir conscience de l'impact de la Moudawana sur la vie des femmes. Aujourd’hui, la Moudawana empêche les femmes de pouvoir accéder à une émancipation complète. D’un point de vue général, elles manquent cruellement d’éducation, ce qui conduit à des difficultés d’insertion professionnelle. Par ailleurs, le mariage des mineurs reste courant malgré les mesures mises en place en 2004. Cette situation s’illustre avec le cas de Rabha El Haymar, qui a été élue Woman of Courage en mars 2024. Sans-papiers marocaine, elle a été mariée selon les principes de la Fatiha (mariage religieux) mais n’a eu aucun mariage civil. Très vite, son mari devient abusif et violent, alors pour se mettre en sécurité avec sa fille, elle le fuit. Elle se lance dans un long combat pour que son mariage et sa fille soient reconnus légalement. Son histoire a été retracée dans le documentaire “Bastards”, réalisé par Deborah Perkin et elle est devenue un véritable symbole d'émancipation au Maroc. Elle est également un cas type des difficultés juridiques que rencontrent les femmes à cause de la Moudawana et prend régulièrement la parole dans l’espoir de faire changer le code.



DABA JA ! IT’S TIME FOR A NEW MOUDAWANA


Une centaine de séances réunissant le gouvernement, les associations féministes et celles des droits de l’Homme et de l’enfance se sont tenues. Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a fait de sa priorité l’annulation des articles 20, 21, et 22 qui traitent du mariage des mineurs. Ce dernier avait été interdit en 2004 mais avec des dérogations (facilement accessible), il était toutefois possible de marier les enfants. La révision serait d'établir l'âge légal du mariage à 18 ans de manière intransigeante.


Si Mohammed VI est à l’origine de la réforme en cours, les mouvements féministes du pays demandent cette révision du Code de la famille depuis déjà plusieurs années. La militante Sarah Benmansour en fait son combat dès 2015. Aujourd’hui, l’association Kif Maman Kif Baba, dont le visage est Ghizlane Mamouni, a désormais pris le relais. La médiatisation  des féministes marocaines est rare, mais avec des campagnes telles que “Moudawana Kan Tsana”, elles parviennent à se faire entendre. C’est aussi l’entrée en lice d’une nouvelle génération de féministes, pour qui les libertés individuelles et les problématiques liées au corps sont centrales. Cette nouvelle génération se différencie de la précédente par son nouveau rapport aux Islamistes, dans une grande volonté d’entrer dans un dialogue religieux.


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2 opmerkingen


Zoé
Zoé
04 apr.

Super article qui m’a appris beaucoup de choses ! Merci Inès

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inès
inès
04 apr.
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Merci à toi Zoé ;)

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